La crise de la biodiversité augure un « démaillage » du tissu vivant dont il y a tout lieu de craindre qu’il aura d’importantes répercussions sur l’utilité des agents. La gravité de l’appauvrissement, régulièrement corroborée par les écologues, entraîne la nécessité, pour l’économie, d’interroger le savoir écologique afin de comprendre les spécificités de son « objet », et permettre ainsi tant d’évaluer les effets potentiels de la crise que les moyens de l’enrayer.
L’ambition de cet article est de revenir sur les évolutions récentes de l’écologie scientifique et de comparer ses conclusions avec les principaux formalismes en vigueur en économie environnementale, classés ici en six catégories générales : (1) économie des externalités, (2) économie des ressources naturelles, (3) économie du capital naturel, (4) économie des services écosystémiques, (5) économie de la biodiversité et (6) modèles économiques-écologiques intégrés. Un « objet » écologique est déduit de chacun de ces formalismes, et comparé avec « objet » tel que décrit par l’écologie contemporaine.
De cette sorte de confrontation des deux disciplines, il ressort ceci : (1) qu’une réalité écologique n’affleure que partiellement des représentations économiques, lesquelles n’en gardent souvent que les terminaisons utiles – « coupure » qui est finalement une négation du fait écologique ; (2) que lorsqu’un « objet » écologique apparaît, il est généralement présumé à l’équilibre, chose que l’écologie scientifique ne peut recevoir aujourd’hui qu’avec circonspection ; enfin, (3) que si l’écologie fait le constat, à de multiples échelles, d’altérations dont il y a tout lieu de croire qu’elles auront une portée structurelle, elle ne peut fournir à l’économie les déterminations universelles (les fonctions calculables) que celle-ci attend, mais tout au plus certaines régularités temporaires et localisées.
C’est l’une des conclusions majeures de l’écologie contemporaine, dite « post-odumienne », dont les conséquences pour l’économie sont de première importance : il n’y a pas « d’éco-système » à proprement parler, pas « d’ordre » écologique implacable duquel il suffirait de déduire une économie « limitée » ; les entités écologiques sont ouvertes, et s’il y a un « ordre » écologique, celui-ci est morphologique, et non naturel.
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