Thèse doctorale de Florent Mc Isaac soutenue le 14 décembre 2016 – Université Paris 1, Panthéon Sorbonne.
Depuis la stagflation observée consécutivement à la forte hausse du prix du pétrole en 1973 et 1979, les chocs pétroliers sont considérés comme l’une des sources de fluctuations potentiellement les plus importantes aux Etats-Unis comme dans de nombreux pays industrialisés. De nombreux articles ont étudié le rôle des chocs pétroliers dans la fluctuation des principales variables macroéconomiques à savoir, la croissance, le chômage, l’inflation et les salaires. Cependant, ces travaux n’ont pas encore permis d’aboutir à un consensus. Le débat s’est même intensifié au cours de cette dernière décennie, en raison d’une absence de réaction forte de l’économie réelle pendant la période ‘augmentation du prix du pétrole entre 2002 et 2007. En effet, la récession qu’aurait dû engendrer une telle hausse des prix ne fut observée qu’au moment de la crise des subprimes en 2008. Plusieurs hypothèses furent avancées pour expliquer la différence entre les crises des années 1970 et 2000. Blanchard & Gali (2009) et Blanchard & Riggi (2013) évoquent, par exemple, la réduction de la quantité de pétrole utilisée dans la production, la plus grande flexibilité des salaires réels et une meilleure crédibilité de la politique monétaire. Hamilton (2009) et Kilian (2008) suggèrent quant à eux de l’expliquer par l’origine différente des deux chocs pétroliers : un choc d’offre pendant les années 70 et un choc de demande pendant les années 2000.
L’objectif original de la thèse était de réexaminer l’impact des chocs pétroliers sur l’économie réelle par le canal de la dette. Dans un premier temps, sur la base des travaux de Blanchard & Gali, nous proposons un nouveau modèle dynamique d’équilibre général stochastique (DSGE), qui intègre le pétrole à la fois comme facteur de production et comme bien de consommation. En relâchant plusieurs hypothèses adoptées dans Blan-chard & Gal ́ı, notamment en découplant l’élasticité du PIB vis-à-vis du pétrole avec la part du pétrole dans les coûts de production, ce travail a permis de montrer que l’intensité du pétrole dans la production est encore aujourd’hui une variable fondamentale de la croissance américaine. Aussi, nous montrons que l’efficacité énergétique est un canal déterminant dans l’explication de la diminution de l’impact macroéconomique de la hausse du prix du pétrole. Le troisième facteur qui pourrait expliquer la différence d’impact de l’augmentation des prix du pétrole entre les années 1970 et 2000 serait que les coûts supplémentaires soient absorbés par la dette elle-même grâce à des taux d’intérêts directeurs particulièrement bas. Or, la thèse a permis de mettre en lumière les difficultés du cadre de modélisation DSGE à répliquer l’environnement macroéconomique à l’aube de la crise financière.
Fort de ce constat, je me suis orienté vers le développement d’un nouvel axe de recherche afin de représenter les mécanismes économiques sous un angle différent. Ce nouveau cadre de modélisation met la dette privée au centre de l’analyse macroéconomique et propose une vision alternative sur la crise financière des années 2000. Le formalisme mathématique initial de cette nouvelle perspective est donné par Keen. Ce dernier a formalisé les intuitions de Hyman Minsky qui, dans les années 1970, cherchait à savoir si une nouvelle crise de l’ampleur de celle de 1929était encore possible. L’avantage premier de ce nouveau cadre de modélisation est qu’il est possible d’y reproduire de fa ̧con endogène l’environnement de la crise des subprimes. Dès lors, il est possible de faire des recommandations de politiques publiques qui permettent d’éviter ce que l’on a l’habitude d’appeler un “ cygne noir ” ou la réalisation d’une “ queue de distribution ” (probabilité faible de survenir). Ce changement de paradigme n’est pas anodin car il suggère de construire de nouveaux outils pour la modélisation macroéconomique. Si le cadre de modélisation DSGE est très bien développé dans la littérature académique, l’étude de ce nouveau nouvel environnement de modélisation est encore embryonnaire.
La suite de la thèse est articulée en trois articles. Le premier développe des outils d’estimation adaptés au cadre de modélisation retenu. Il permet d’estimer un système multidimensionnel continu dans un environnement macroéconomique où les données sont de faible fréquence (trimestrielle). Le second article généralise la fonction de production de ce nouveau cadre de modélisation et étudie les propriétés dynamiques inhérentes à cette généralisation. Le dernier papier de la thèse calibre ce nouvel environnement macroéconomique au niveau mondial et détaille les effets du changement climatique sur la macroéconomie. Bien que le scénario le plus probable montre un effondrement de l’économie (engendré notamment par la sphère financière), il démontre que si l’action publique est assez forte, l’effondrement peut encore être évité à condition que la transition énergétique soit impulsée très rapidement.
Les conclusions obtenues dans la thèse apparaissent particulièrement importantes dans la
mesure où elles livrent les fondations de nouvelles perspectives en modélisation macroéconomique. Ces travaux permettent notamment de mettre en lumière des situations que bon nombre
de modèles ne sont pas capables de répliquer comme notamment la crise de surendettement. Dès lors, ce cadre de modélisation peut apporter un éclairage tout autre sur les recommandations en politiques publiques apportées par les modèles usuels.
Le développement de ces travaux entamés dans la thèse pourra aboutir à un cadre alternatif de modélisation décisif pour l’intelligence de la macroéconomie. Il devrait permettre une meilleure compréhension de l’évaluation des relations réciproques entre la sphère financière, la réalité des cycles macroéconomiques réels, l’énergie et le climat dans ce qui est sans aucun doute l’enjeu de notre génération : la transition écologique.
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