Fin 2017, le One Planet Summit et le Climate Finance Day organisés en France ont permis de mettre en lumière le développement de la finance verte, et pour de nombreux acteurs, de prendre de nouveaux engagements. La présente note a pour objet de faire une synthèse des réflexions en la matière, tout en rappelant que si la mobilisation du secteur financier est essentielle, il est également nécessaire de transformer le cadre économique lui-même pour assurer une transition écologique à la hauteur des enjeux.
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Réussir la transition écologique implique une transformation profonde de notre modèle de développement pour économiser les ressources naturelles et les répartir plus équitablement, réduire les émissions de gaz à effet de serre, dépolluer et réhabiliter les sols et les eaux. Cela nécessite d’investir massivement dans de nouvelles infrastructures là où elles font défaut et dans la mise en conformité écologique de celles qui existent déjà. Et cela, sans oublier la dimension sociale des investissements (éducation, formation, R&D), car il nous faut réapprendre à produire et à consommer tout en accompagnant les transitions professionnelles.
Or, quand on parle d’investir dans la transition écologique deux discours contradictoires émergent : les porteurs de projets déplorent l’absence de financement, et les investisseurs l’absence de projets. Cette contradiction n’est qu’apparente : les ressources financières ne manquent pas mais d’une part, les entrepreneurs n’y ont pas nécessairement accès, car les projets durables peinent à dégager une rentabilité intrinsèque dans l’environnement économique actuel, et d’autre part, les investissements de long terme n’ont pas la faveur des investisseurs. Pour y remédier il faut donc agir simultanément sur la sphère de « l’économie réelle » et sur la sphère financière.
L’Union européenne et ses Etats membres doivent mettre en cohérence les outils de politiques publiques avec les objectifs qu’ils se sont fixés.
Ces outils sont bien connus et déjà utilisés : demander aux entreprises d’identifier et de rendre compte de l’impact de leur modèle d’affaire sur l’environnement et la société ; mettre fin aux subventions des activités destructrices de capital naturel et les flécher vers les produits et services durables ; renchérir le coût des activités destructrices du capital naturel via un signal prix (taxe ou marché) ; utiliser l’outil réglementaire pour restreindre les marchés aux solutions les moins polluantes et encourager ainsi la R&D en la matière ; mettre en cohérence la commande publique (fournitures mais aussi travaux) avec les objectifs de durabilité.
Il s’agit désormais de mobiliser tous ces outils dans la même direction, sans envoyer de signaux contradictoires, et de façon pérenne afin de donner confiance et visibilité aux entrepreneurs.
En 2015, par la voix de son président Mark Carney, le Conseil de stabilité financière (FSB) a affirmé que le réchauffement climatique présentait des risques aux conséquences financières potentiellement systémiques. Depuis, l’investissement des régulateurs sur ce sujet est croissant : la Task Force on Climat-Related Disclosure (TCFD), mandatée par le FSB, a publié un rapport proposant un cadre international de reporting des entreprises sur le climat afin que les investisseurs puissent mieux évaluer les risques associés ; plusieurs banques centrales étudient les risques posés par le climat pour la stabilité financière de leur pays ; la Commission européenne a proposé d’intégrer les risques environnementaux, sociaux et de gouvernance au mandat des autorités européennes de surveillance. Du côté des investisseurs, le développement des mouvements de désinvestissement des industries fossiles et d’engagement actionnarial reflète également cette prise de conscience croissante. Accroitre la prise en compte des risques climatiques demande que l’ensemble des régulateurs et des banques centrales s’emparent du sujet et y dédient des moyens humains et financiers conséquents. Cela implique également de généraliser à l’Union européenne le reporting « climat » des acteurs financiers eux-mêmes, en s’inspirant notamment des recommandations de la TCFD et de la réglementation française.
Si ce travail d’identification des risques est essentiel, la transparence de l’information ne suffit pas : l’objectif est avant tout de les réduire. Pour cela, il faut explorer la possibilité d’utiliser les outils prudentiels et monétaires pour défavoriser les actifs carbonés, et rendre les produits financiers durables plus attractifs. Enfin, il s’agit de corriger le biais court-termiste des marchés financiers. La recherche de rendement à court terme peut mener à des prises de risque inconsidérées, et à des crises boursières qui retardent les mesures nécessaires à la transition écologique. De plus, s’il existe assez de liquidités pour couvrir les besoins de la transition, sa réussite implique un double transfert de financement : des activités destructrices de capital naturel vers les activités durables et, des liquidités mobilisées par les transactions de court terme vers l’investissement de long terme.
Le mouvement de la finance responsable est déjà engagé comme en témoignent, notamment, le développement depuis plusieurs décennies de l’investissement responsable ou celui plus récent des obligations vertes. Cependant, cette évolution reste encore largement à amplifier.
–L’Union européenne et ses Etats membres doivent mettre en place une stratégie de mobilisation des capitaux cohérente avec leurs objectifs de durabilité. Elle expliciterait notamment quels outils et mécanismes de financement public seraient mis en place pour faire levier sur l’investissement privé. Par souci d’exemplarité, ces financements devraient explicitement exclure les projets destructeurs du capital naturel, à commencer par l’exploitation des énergies fossiles.
-Il s’agit également de mieux définir ce qu’on entend par durable en développant, au niveau européen, des outils (taxonomie et standards, labels) pour assurer la qualité, la comparabilité, la fiabilité, la lisibilité et donc le développement de la finance durable et de ses produits.
–Développer le marché de la finance durable passe par des mesures visant à rendre les produits financiers durables, tels les obligations vertes, plus attractifs ; à inciter les banques à développer les procédures et systèmes d’information nécessaires à l’identification des crédits durables qu’elles accordent ; ou encore à mobiliser davantage l’épargne des ménages en rendant l’offre plus lisible, en incitant les gestionnaires d’actifs à proposer davantage de fonds durables, et en l’accompagnant de mesures incitatives.
Une des principales conclusions à tirer de cette analyse c’est que la transformation de notre économie ne peut reposer sur une solution unique, c’est bien une stratégie d’ensemble, un continuum de mesures agissant à la fois sur l’émergence des projets et sur l’innovation et la régulation financière qu’il s’agit de mettre en œuvre.
Ce séminaire sera consacré aux enjeux de gouvernance d'entreprise en lien avec la transition écologique.